Vous ai-je déjà conté l’histoire ?

Celle où tout bascule. C’était au Chili, c’était en Argentine, quelque part au milieu de la poussière et du vent chaud, sur une moto qui me ramenait à moi-même. Quinze années coincées dans les couloirs propres et glacés des grandes entreprises, cravate serrée et âme desséchée, persuadé que la route était finie, que mes passions s’étaient égarées au loin. Pourtant, je savais. Je savais que le feu était là, tapi dans l’ombre : à vingt-deux ans déjà, j’avais levé une armée de 25 équipages pour traverser l’Afrique de l’Ouest, deux mois de sueur, de boue et de fraternité. Mais il aura fallu ce voyage là, 16 ans plus tard, ce mirage andin, pour rallumer l’étincelle, pour mordre enfin dans le virage à 180 degrés.

J’ai laissé tomber le costume. J’ai laissé tomber le faux brillant. J’ai repris le chemin du concret, du vrai, du terrain. Pas n’importe lequel : celui qui imprime ses traces dans la terre et dans la mémoire, celui que l’on ne survole pas, celui qui vous gifle et vous embrasse tout à la fois.

Voilà, c’est pour moi la quinzième saison de West Forever qui s’ouvre. Pas un rituel figé, mais un moment vibrant, comme une respiration. Chaque année, toute l’équipe polit, ajuste, rêve un peu plus grand, pour que chaque départ ait l’allure d’une aventure meilleure que la précédente.

Alors oui, 2025 nous a testé, encore. Harley-Davidson nous a fait le coup des machines capricieuses, surchauffes et pannes sur ses nouveaux modèles comme autant de fantômes déjà connus. Eaglerider, eux, se sont assoupis : motos mal préparées, choix pas assez respectés, personnel manquant. Le monopole endort, c’est la loi du marché, mais ça n’arrêtera pas ceux qui roulent, ça n’arrêtera pas nos voyageurs. Parce que malgré les contretemps, l’Amérique garde son magnétisme brut : les routes immenses, les visages ouverts, les rencontres qui naissent d’un simple salut au bord de la route.

Et le plus beau dans tout ça, c’est vous. Les heureux élus déjà de retour nous le rappellent : ils ont vécu des instants intenses, des expériences qui s’impriment sous la peau. Et vos retours, vos mots vibrants, vos récits d’émerveillement, c’est notre carburant. C’est ce qui nous pousse à tenir la ligne, à continuer dans cette voie, à rouler toujours plus loin pour que chaque saison soit encore plus belle.

Et puis, vous êtes nombreux à pousser les horizons plus loin : Japon, complet encore une fois ; Afrique du Sud, deux Grands Treks sold out ; Nouvelle-Zélande, confirmée, et je vous le dis, ce pays reste pour moi une vision parmi les plus belles qu’un motard puisse vivre.

Reste à oser le Mexique, l’Australie, le Chili et l’Argentine : ces ailleurs vous attendent, flamboyants, encore accessibles, encore vrais.
Et croyez-moi, il ne faut pas rater la chance d’aller toucher ces mondes-là.

Je vous souhaite une rentrée pleine ou un départ imminent, selon où vous en êtes. La route vous attend, le voyage aussi. Et moi, j’ai hâte de vous croiser, de vous entendre, quelque part entre deux horizons.

Bien amicalement,

Fabien Baranès